[dropcap]L[/dropcap]es syndicats agricoles JA et FDSEA ont rencontré la Préfète ce vendredi 15 octobre pour interpeller l’Etat sur « l’incohérence des réponses apportées aux agriculteurs face aux prédateurs ».
Un événement à l’origine de cette mobilisation nationale
Le déclencheur de cet appel à mobilisation d’ampleur nationale est le procès d’un éleveur des Hautes-Alpes, jugé pour une attaque de son chien de protection des troupeaux sur un randonneur.
La victime a été griffée dans le dos par un patou, le 7 octobre. Une enquête pour blessures involontaires a été ouverte, l’éleveur a été entendu et la délibération aura lieu le 18 octobre.
En France, l’Etat oblige les éleveurs hors « zone difficilement protégeable » confrontés à la prédation à protéger leur troupeau notamment en acquérant des chiens de protection comme les patous. « Les éleveurs, qui subissent les attaques des prédateurs protégés par des conventions internationales et imposées par les pouvoirs publics français et européens, sont obligés de protéger leur troupeau avec des chiens et se retrouvent devant les juridictions civiles et pénales pour répondre des blessures faites aux randonneurs par leurs chiens de protection. Les éleveurs sont ainsi victimes de la double peine. La responsabilité des éleveurs en cas de conflits d’usage, obligés d’avoir des chiens de protection, doit être écartée », expliquent les syndicalistes.
En rencontrant la préfète, les représentants JA et FDSEA Aveyron ont voulu détailler les demandes formulées sur lesquelles ils sont encore en attente de réponse.
La prédation en Aveyron
« En Aveyron, les prédateurs sont essentiellement les loups et les vautours. Leurs populations sont en croissance. Elles deviennent des prédateurs redoutés pour les animaux d’élevage. C’est principalement le cas pour les vautours où l’augmentation du nombre d’individus est la plus importante et chez qui on observe un changement de comportement, car à l’origine l’animal est charognard. »
Le cas des loups
Face à la présence des loups sur notre territoire, les syndicats JA et FDSEA ont réussi en 2019 à faire reconnaître en « zone difficilement protégeable » les secteurs concernés par les attaques. Cette classification exempte les agriculteurs de l’utilisation de chiens de protection. Cependant ils doivent faire face à la prédation. C’est pourquoi les agriculteurs demandent zéro attaque sur les troupeaux.
Pour y parvenir, cela passe par la défense des troupeaux afin que les loups ne les attaquent plus. JA et FDSEA demandent que les éleveurs puissent tous défendre leur troupeau, de manière permanente et sans plafond. L’objectif est que les loups se cantonnent à la consommation d’animaux sauvages dans les forêts.
Le cas des vautours
De nombreux témoignages d’agriculteurs soulignent un changement de comportement du vautour : apeurement de troupeaux par vols en « rase motte », attaques sur mise bas en bovin, isolement d’animaux avant attaque…
Des comités vautours se réunissent pour faire un état des lieux et envisager des pistes de travail. A ce jour, ils souhaitent maîtriser et réguler les populations de l’espèce en vue de retrouver un équilibre. En attendant le retour de cet équilibre, ils demandent à autoriser les tirs d’effarouchements. Autre piste envisagée qui vient en complément de la première, c’est l’indemnisation des éleveurs lorsqu’une attaque sur animaux vivants est avérée.
Outre les attaques, les éleveurs craignent que ces animaux soient vecteurs de maladie pour les troupeaux. Les agriculteurs observent des points d’eau souillés, de nombreuses plumes laissées par les animaux après leur passage et de fortes odeurs. Une évaluation du risque sanitaire doit être engagée par les services vétérinaires.
« La prédation a des conséquences sur le territoire »
« Il y a d’abord l’impact psychologique des éleveurs et de leur famille. Ils sont dans l’angoisse permanente d’une attaque de leur troupeau et subissent un traumatisme quand celle-ci survient.
Il y a ensuite les conséquences sur le mode d’élevage, les produits de qualité et les paysages et l’environnement.
En raison des attaques répétées des prédateurs sur leurs troupeaux, des éleveurs abandonnent l’élevage à l’herbe en plein air. Le pastoralisme régresse et laisse place progressivement à l’ensauvagement des territoires condamnant ainsi les systèmes agro-écologiques ancestraux.
Cet état de fait remet en cause les filières sous signe de qualité et des modes de production vertueux. Il génère des pertes de biodiversité, impacte le tourisme de plein air et accroît l’insécurité des personnes et des biens dans les territoires non entretenus (incendies, avalanches). Le réchauffement climatique associé, à un abandon des territoires, va accroître considérablement les départs de feux en période de sécheresse. »
« Le pâturage doit être défendu »
« En Aveyron nous sommes fiers de notre agriculture à l’herbe, où des troupeaux de brebis parcourent les causses et des vaches pâturent, expliquent les représentants JA et FDSEA. Mais pastoralisme et prédateurs sont incompatibles si une régulation efficace des loups et des vautours n’est pas mise en œuvre. Les populations de prédateurs augmentent, leurs besoins alimentaires croissent et les troupeaux deviennent « naturellement » leur garde-manger.
Le travail des éleveurs doit être respecté, or aujourd’hui, il ne l’est pas. Ils subissent les conséquences des politiques de réintroduction. Les indemnisations reçues ne couvrent qu’en partie les préjudices matériels subis en aucun cas les préjudices moraux supportés. Les éleveurs ont mis en place des moyens de protection des troupeaux. Malgré cela, les attaques continuent.
Rien ne peut arrêter des prédateurs affamés si les éleveurs ne disposent pas du droit prioritaire de défendre leur troupeau. Les conditions de vie personnelle et professionnelle subies par les éleveurs des zones prédatées découragent les jeunes de s’installer dans les systèmes de production d’herbe en plein air. Le renouvellement des générations d’éleveurs s’en trouve perturbé. »
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