« Monsieur le Ministre,
Il y a maintenant plusieurs semaines, je vous ai alerté sur la situation des fabricants aveyronnais du couteau de Laguiole après l’examen des deux enquêtes publiques – relatives à leur demande d’Indication Géographique – réalisé par l’Institut National de la Protection Individuelle.
Le lundi 11 avril dernier, l’INPI a annoncé son refus d’accéder à la demande d’indication Géographique du couteau de Laguiole, sur laquelle la commune, l’ensemble des acteurs publics du territoire, et le « syndicat des couteliers de Laguiole » ont travaillé depuis 2014. Cette décision est un coup dur pour l’ensemble des professionnels, des élus et des Aveyronnais.
Les élus et les parlementaires de l’Aveyron, vous ont interpellé pour vous signaler les difficultés rencontrées par le syndicat des couteliers de Laguiole vis-à-vis de l’INPI, en raison de la partialité de son jugement.
J’ai eu l’occasion d’évoquer ces difficultés avec vos équipes le jeudi 27 janvier dernier, lors d’un entretien avec Monsieur François-Xavier HUARD, conseiller artisanat au sein de votre cabinet, et le 26 avril dernier, avec Madame Justine SOUSSAN, votre conseillère parlementaire.
Durant toute la durée d’instruction, l’INPL n’a pas respecté son devoir de neutralité dans l’examen de ce dossier. En effet, certains membres de cet organisme ont affiché leur préférence sur les réseaux sociaux (vous trouverez l’extrait ci-joint) alors même que le dossier de Laguiole était en cours d’examen.
Cette situation est d’autant plus inacceptable, que dans l’ensemble de leurs comptes-rendus, les équipes de l’INPI ont comparé le bassin de Laguiole au bassin de Thiers. Contrairement à ce qu’a affirmé cet organisme, les entreprises aveyronnaises sont autonomes dans la production coutelière. Ces couteaux de Laguiole, qui ne relèvent d’aucun lien avec le bassin de Thiers, sont bel et bien constitutifs de l’identité du territoire de l’Aubrac et de l’Aveyron.
Parallèlement au refus essuyé par les couteliers de Laguiole, une nouvelle demande d’IG, déposée par le bassin de Thiers, est en cours d’examen, alors même que les couteliers de Laguiole ont déposé un recours contestant la décision de l’INPI.
Il est donc indispensable que la demande d’IG déposée par les couteliers de Thiers soit gelée dans l’attente de l’issue du recours.
La situation est aujourd’hui extrêmement préoccupante tant pour les professionnels de la coutellerie qui exercent leur activité à Laguiole que pour la pérennité économique du bassin de Laguiole, car l’activité coutelière représente plus de 250 emplois sur le bassin dont 200 directs sur la commune.
Vous n’êtes pas sans savoir que les produits, les entreprises et la commune de Laguiole sont depuis de nombreuses années victimes d’actes de concurrence déloyale et de contrefaçons qui ont conduit l’ensemble des acteurs à se battre pour défendre leur savoir-faire et qu’une procédure juridique est en cours.
Si l’INPI accepte d’accorder l’Indication Géographique aux couteliers de Thiers, l’ensemble des décisions de justice rendues pour protéger la commune de Laguiole n’auront plus aucune valeur juridique, puisque leur savoir-faire serait exporté à plusieurs centaines de kilomètres de l’Aubrac.
Cette décision serait d’autant plus étonnante que le législateur, au moment du vote de la loi Hamon du 17 mars 2014, a introduit dans la loi la notion de protection du nom des collectivités. Depuis, les communes et EPCI peuvent être informés de tout dépôt de marque les concernant et ont la possibilité de s’y opposer.
L’attitude actuelle de l’INPI, au regard de sa décision d’accepter la candidature d’IGPIA de la part des professionnels de Thiers, va à l’encontre de l’esprit de cette loi en permettant l’utilisation du nom « Laguiole » dans un bassin de plusieurs centaines de kilomètres au-delà de ladite commune. Elle ne respecte pas les fondamentaux du signe officiel de qualité, à savoir la zone géographique de création et le savoir-faire.
Enfin, le rejet du dossier déposé par les couteliers de Laguiole a été acté seulement deux jours avant la proposition de la Commission européenne d’étendre le dispositif d’indication géographique à tous les États de l’Union européenne. Ce refus va donc à l’encontre des engagements pris par la France dans le cadre de sa Présidence de l’UE.
C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, je vous demande de bien vouloir m’accorder une audience en présence du Président du « Syndicat des couteaux de Laguiole », de ses représentants et des Élus du territoire, afin que nous puissions vous faire part de nos observations vis-à-vis du manque de partialité de l’INPI dans l’examen de ce dossier.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de notre considération sincère ».
Arnaud Viala